Il rattrape les astucieux.
Les frères ont peur et s’apprêtent
A montrer vite qu’ils regrettent.
Ivan se met à crier:
“C’est honteux de me voler!
Bien que vous soyez plus sages,
Je suis plus honnête, je gage:
Je ne vous ai rien volé”.
L’aîné de ses frères, crispé,
Dit: “Ivan, notre cher frère,
Rien à nier – c’est notre affaire!
Mais tu dois aussi compter
Avec notre pauvreté:
Tu sais qu’on n’a, quoiqu’on sème,
Pas de pain quotidien même.
La red’vance, où la trouver? –
On n’arrête pas d’exiger.
C’est à cause de cette tristesse
Qu’on a tant parlé sans cesse
Toute la nuit et de bonne heure:
Que faire dans notre malheur?
Enfin, on arrive, tout d’ même,
A résoudre le problème:
On va vendre tes chevaux
Pour mille roubles, si ça vaut.
Pour te dire merci, on pense
Te faire une bonne récompense –
T’ach’ter des bottes, un chapeau
Rouge avec un beau grelot.
De plus, pense à notre père,
Il est vieux, ne peut rien faire;
Mais il faut passer la vie, –
Toi, tu n’es pas sans esprit! ” –
“Si c’est de sorte qu’on prétende,–
Dit Ivan aux frères, – qu’on vende
Mes chevaux à crinière d’or,
Prenez-moi aussi alors”.
Ils sont contre, car ils mentent, –
Mais rien à faire, – ils consentent.
Enfin, le ciel s’obscurcit;
L’air devient plus rafraîchi;
Pour ne pas se perdre en route,
On veut bien casser la croûte.
Aux branches d’en-bas, comme il faut,
On lie bien tous les chevaux,
On apporte des comestibles,
On boit un coup, c’est possible
Ch’min faisant; après, bon Dieu,
On bavarde à qui mieux mieux.
Tout à coup, l’aîné des frères
Remarque au loin une lumière.
A son frère, il cligne de l’oeil,
Pour que le deuxième frère veuille
Le sout’nir, après, il tousse,
Montre le feu, d’une voix douce,
Dit, grattant son occiput:
“Il fait nuit, si j’avais su
Que la belle lune, comme pour rire,
Vient pour une minute, – sans dire,
Tout aurait été mieux. Tiens!
Je ne vois, ni n’entends rien…
Mais, attends, donc, il me semble
Qu’une petite fumée y tremble…
Regarde, là!.. Oui, c’est comme ça!..
Si, pour le brasier, on a
Du feu – une merveille! Ecoute,
Frère Ivan, mets-toi en route!
A vrai dire, pourtant, je n’ai
Rien du tout pour l’allumer.”
Et Daniel, lui-même, pense:
“Que tu n’aies pas de la chance
De rev’nir!” Gabriel dit:
“Qui sait ce qui brûle ici!
Si les brigands l’importunent, –
Adieu, mon frère, sans rancune!”
C’est un rien pour notre Idiot.
Il s’assied vite sur le dos
De son p’tit Ch’val, frappe ses côtes,
Le tiraille, de ses forces sottes,
Braille… Le Ch’val se cabre, et puis,
Disparaît vite dans la nuit.
“Que la force de Dieu nous cache!” –
Crie son frère parce qu’il est lâche,
Après, il se signe et dit:
“ Quel démon est, donc, sous lui?”
Le feu est plus clair par suite
De ce que le Ch’val court vite.
Le voilà devant le feu.
Le champ est tout lumineux:
La lumière perce la brume,
Mais elle ne chauffe, ni ne fume.
Etonné par la merveille,
Ivan dit: “Quoi de pareil?!
Cinq chapeaux de la lumière,
Mais elle ne chauffe, ne fume guère;